Bien commander les petites quantités

Bien commander les petites quantités

Matthias Lütke Entrup, Mirko Bayer

Presque toutes les entreprises sont confrontées à la question des «exotiques», ces matières premières consommées en petite, voire très petite, quantité, mais dont l’achat finit par peser lourd sur le budget. Ici aussi, en optimisant les processus de commande, des économies significatives peuvent être réalisées.

Outre les produits bruts impliquant de gros volumes, il y a aussi dans presque toutes les branches des «exotiques» consommés en petite quantité.
Ne représentant qu’un faible volume d’achat, ces articles – par exemple, des produits chimiques spéciaux, certaines laques ou peintures, des épices et arômes – font rarement l’objet de mesures d’optimisation. Très souvent, ils sont même fabriqués spécialement pour l’entreprise.

Quantité décisive

A l’achat de tels produits, il est particulièrement important de bien calculer le volume de commande optimal.

D’une part, les coûts fixes peuvent être importants, surtout si l’article commandé est spécialement fabriqué par le fournisseur. De là la tendance à acheter de très grosses quantités qui, dans les cas extrêmes et indépendamment de la durée de conservation, peuvent couvrir les besoins de plusieurs années.

D’autre part, cela implique des temps de stockage très longs, ce qui à son tour entraîne des coûts élevés et des risques d’obsolescence, du fait, par exemple, de la détérioration des matériaux au fil du temps, de la diminution des volumes de vente ou de l’arrêt du produit en question. Pour certains articles, ces coûts peuvent même dépasser ceux de l’achat proprement dit. En déterminant la quantité de commande optimale, ces effets contraires affectent le coût optimal.

Facteurs déterminants en détail

Du fait de ces caractéristiques, et outre les paramètres classiques comme les coûts de stockage et d’immobilisation du capital, le prix d’achat (y compris les rabais échelonnés et les frais de commande), il faut tenir compte, en déterminant la quantité commandée, des facteurs d’influence suivants:

  • Un facteur essentiel est tout d’abord le besoin en matériel qui est identifié par l’éclatement de la nomenclature des ventes prévues pour les produits finis. Les rayons d’action ayant tendance à s’agrandir, des prévisions de vente à longue portée sont nécessaires: dans l’idéal, sur plusieurs années.
  • En règle générale, les commandes ne sont possibles que dans des multiples entiers, par exemple un bidon ou un sac. Une quantité de commande calculée mathématiquement doit donc être arrondie vers le haut ou le bas.
  • Quand les durées de stockage sont longues, il faut tenir compte des risques d’obsolescence. Ici, des quantités détruites, décomptabilisées ou vendues à des tiers sont mises en évidence et observées chronologiquement par rapport à la dernière commande. La probabilité d’obsolescence dans le temps peut ainsi être calculée par le biais d’une analyse régressive. Cela se fait habituellement au niveau des groupes de produits, car les articles isolés ont une valeur statistique trop faible.
  • Durée de conservation et durée résiduelle jouent un rôle pour de nombreux produits, ce qui limite les quantités maximales pouvant être commandées et augmentent les risques d’obsolescence si la durée est longue.
  • Les coûts fixes peuvent comporter, outre les frais de commande proprement dits (par exemple  frais de transport), des coûts de préparation significatifs du côté du fournisseur. En cas de production individuelle, ces positions peuvent rapidement dépasser la valeur propre du matériel.
  • Pour les besoins saisonniers, une première commande optimisée peut tirer vers le haut les coûts de la commande suivante. Ainsi, un modèle classique de commande aura tendance à couvrir, outre la saison en cours, également une seconde saison, afin de distribuer les frais de commande fixes sur une quantité encore plus grande et obtenir ainsi un coût minimum par pièce. En conséquence, la commande suivante doit se faire directement après cette seconde saison. La troisième quantité saisonnière doit être commandée bien avant cette troisième saison, ce qui fait que, lors de la seconde commande, les frais de stockage et d’obsolescence sont disproportionnellement élevés. En déterminant l’optimum, il faut donc calculer une chaîne entière de commandes («Look-Ahead»), qui conduit ensuite dans son ensemble à un optimum.

Application optimale

L’expérience montre que la classique logique système du Standard ERP bute ici sur ses limites car la taille optimale du lot ne peut pas être calculée par une formule correspondante. Elle est déterminée empiriquement par des simulations complexes.

Pour chaque article, le profil de coûts globaux d’au moins 10 000 modèles de commande est simulé durant la période d’observation. Le modèle qui se révèle le plus avantageux est retenu. Les systèmes de banque de données actuels peuvent facilement assurer ces calculs. La logique est prise en charge par un langage script comme Visual Basic, en combinaison avec un langage de base de données, par exemple SQL. L’implémentation se fait en trois étapes:

  • définition, saisie et digitalisation des facteurs de coûts fixes et variables au niveau de l’article dans ERP, de sorte que l’algorithme puisse s’y référer;
  • définition des dates de calcul (par exemple, en cas de commande supplémentaire initiée manuellement ou tous les articles chaque jour), extension à l’entreprise de la logique modèle et application des algorithmes à sa propre infrastructure systémique;
  • Test de logique dans un environnement reflété du ERP, validation, transfert sur le système Live, mise en œuvre et réalisation d’économies.

Résultats

Au final, le modèle décrit calcule en peu de temps les quantités de commande optimales pour plusieurs milliers d’articles. Par l’observation simultanée de tous les facteurs et l’intégration des risques d’obsolescence, il n’est pas rare de faire des économies de l’ordre de 10 % ou plus sur les coûts globaux d’un article.

Matthias Lütke Entrup

Le docteur en ingénierie économique est professeur de gestion opérationnelle à la International School of Management de Dortmund et membre de la direction de la société de conseil Höveler Holzmann.

Mirko Bayer

Le docteur en biologie travaille comme Manager Data Analysis pour Höveler Holzmann. Il développe, à l’interface entre achat/SCM, finances et informatique, des complexes logiques-BI pour identifier des réductions de coûts.