Le Futur des Achats: Agilité, RSE et Collaboration – procure.ch

Le Futur des Achats: Agilité, RSE et Collaboration

publié le l'auteur: Hugues Poissonnier

La conférence achats a souligné l’importance de l’agilité dans les achats pour la performance durable des organisations et la résilience des écosystèmes économiques, abordée par des experts aux profils variés.

La sixième Conférence Achats de procure.ch a mis en évidence l’importance croissante des négociations en ligne dans un monde mondialisé et marqué par la pandémie. Elle a souligné l’agilité dans les achats et sa diversité contextuelle, ainsi que le rôle de la RSE et de la collaboration. Des exemples inspirants ont été présentés, et un livre blanc approfondira ces enseignements.

Le 16 novembre dernier s’est tenue à Lausanne la 6e conférence achats organisée par procure.ch. Cette dernière a permis aux participants de tisser des liens entre les sujets d’actualité que sont la contribution des achats à la performance durable des organisations et la résilience des écosystèmes économiques. 

L’agilité des achats a été présentée comme un ingrédient clé pour permettre à ces derniers de contribuer à des performances élargies. Cette agilité a été décrite comme pouvant prendre des formes différentes en fonction des contextes dans lesquels elle est mise en œuvre, contextes présentés par des intervenants dont la diversité des profils est toujours une richesse.

L’omniprésence du changement

«Rien n’est permanent, sauf le changement» disait avec beaucoup de sagesse Héraclite. Si le besoin d’agilité apparaît si important aujourd’hui pour les achats, c’est, force est de le constater, en raison de plusieurs changements en cours (la fameuse polycrise évoquée par Daouia Chalali lors de la conférence), changements dont l’importance questionne chaque jour notre rapport au changement.

Le changement peut ainsi être subi, quand on ne le choisit pas, mais qu’on doit bien sûr s’y adapter. Il peut également être désiré, suscité, provoqué, pour faire mieux et progresser ou pour se démarquer des concurrents par exemple. 

Dans tous les cas, il est important de «penser le changement», pour éviter de se cantonner à «changer le pansement» pour reprendre les termes, pleins d’humour, de Francis Blanche. En effet, que le changement soit subi ou qu’il soit provoqué, il n’est jamais simple à gérer. Il peut s’avérer inconfortable et susciter des résistances. 

Réussir le changement grâce à l’agilité

L’une des clés les plus utiles pour réussir le changement est sans doute de porter l’attention et de mettre les efforts aux bons endroits. Ceci est d’autant plus vrai que la réduction des coûts (le fameux cost killing ou cost cutting) ne suffit plus. 

Bien sûr elle reste importante, surtout en période d’inflation, et un acheteur qui se consacrerait à cette mission ferait quelque chose de très importante pour son organisation, mais il passerait sans doute à côté de l’essentiel, c’est-à-dire contribuer aux performances de son entreprise qui dépassent largement la baisse des coûts (innovation, création de valeur, résilience, ect.).

Cette capacité à penser et à maîtriser le changement (car «sans maîtrise, le changement permanent, c’est le chaos», comme l’a bien exprimé Vincent Laplante), cette capacité également à savoir jusqu’où changer et où le changement doit s’arrêter (car il y a aussi des choses à préserver), c’est précisément ce qui fonde l’agilité. 

Une agilité qui peut donc être mise au service de performances plus durables et de la résilience des écosystèmes économiques (voilà tous nos sujets, finalités comme moyens, réunis dans une même phrase).

Des contributions complémentaires

Comme chaque année, des interventions riches et complémentaires se sont succédées, avec des échanges croisés entre intervenants, et avec tous les participants. Les interven­tions ont été organisées en trois grandes parties. 

La première a fourni à cinq intervenants l’occasion de montrer tous les bienfaits de l’agilité des achats. Carole Rosen et Laurent Bejjani (Melioris) ont proposé un riche état des lieux de l’agilité des achats et de la contribution de cette dernière au sein des entreprises suisses. 

Véronique Seel (EcoVadis) a proposé une comparaison des performances RSE des entreprises évaluées en Suisse et dans les pays voisins (France, Allemagne, Italie et Autriche), les pratiques RSE étant vues comme de réels soutiens à l’agilité des achats. Thierry Jouenne (Supply Chain Plus) et Jean-Baptiste Fleck (Alpes Supply Chain) ont montré, dans une présentation très interactive, à quel point la collaboration supply chain–achats (autre modalité et levier d’agilité) pouvait être un levier de performance globale et durable.

Connaissances et pratiques pour un avenir responsable

La deuxième partie nous a permis d’explorer plus en profondeur le rôle clé des achats responsables et à quel point l’agilité pouvait être nourrie par la RSE. Les présentations de Vincent Laplante (Ukatis Consulting) sur la responsabilité au cœur de l’agilité des achats et de Miriam Kaufmann (Prozirkula) sur l’application des principes de l’économie circulaire aux achats ont fourni de belles sources de ré­flexion illustrées de nombreux exemples et cas pratiques.

Un «atelier prospective», animé par la pros­pectiviste Daouia Chalali a ensuite permis aux participants de se livrer à un exercice réalisé en temps réel et visant à faire émerger les grandes dynamiques d’évolution du monde et leurs impacts sur les achats et les potentielles bonnes pratiques à développer (face aux problèmes posés par la polycrise évoquée plus haut mais également face aux opportunités potentielles).

Enfin, la troisième partie de la journée a permis d’aborder l’importante question de la transposabilité des bonnes pratiques. Plusieurs cas inspirants ont été présentés par les intervenants en tentant de focaliser l’attention sur les conditions de réussite de la transposition à d’autres contextes des pratiques évoquées. Thomas Hubert (Ville de Genève) a mis en avant des pratiques issues d’organisations à but non lucratif. Damien Buatois et François-Xavier Loze (SAP) ont présenté des solutions techniques permettant de ne pas sacrifier le high touch au high tech (quand les systèmes d’information achats contribuent à la qualité de la relation plus qu’ils ne la dégradent, ce qui n’est pas toujours évident). Michel Philippart (intervenant procure) a invité les auditeurs à capitaliser sur les savoirs intangibles de l’écosystème de l’entreprise en vue de contribuer à des performances plus durables.

Des enseignements clés

La variété des présentations et sujets abordés ne permet pas de rentrer dans le détail de toutes les conclusions apportées. 

Ces dernières seront consultables dans le Livre Blanc qui, comme chaque année, sera publié dans les jours qui viennent, sur la base des présentations faites lors de la conférence, présentations enrichies par les échanges en séance ou en aparté dont se sont nourris les intervenants. Il ressort néanmoins quelques enseignements essentiels dont voici quelques bribes. 

Les achats ont bien un rôle clé à jouer face aux difficultés ou plus généralement face aux changements avec lesquels il faut composer. 

Ce rôle repose sur de bonnes pratiques qu’il est possible d’observer chez les organisations les plus matures et de transposer. 

Ces bonnes pratiques requièrent la mobilisation de compétences et d’outils, mais aussi d’une appétence au changement et d’une envie de viser une performance plus globale et durable. 

Hugues Poissonnier

Hugues Poissonnier est professeur à Grenoble Ecole de Management, où il enseigne le contrôle de gestion, la stratégie et les achats. Il est l’auteur de nombreux articles de recherche et de vulgarisation.